2004, deux figures bien connues des spéléos français quitteront leur fonction :
Joël Possich, président fédéral, et Christian Dodelin, président du Spéléo-secours français (SSF). Portraits croisés.

Par Georges Marbach

Retrouvez ici le droit de réponse de Joël POSSICH

Huit ans ! Chacun de nos deux héros aura tenu huit ans « aux affaires », c’est-à-dire à l’échelon fédéral national : Joël Possich a dirigé l’École F rançaise de Spéléologie (EFS) pendant presque quatre ans, avant de présider la fédération depuis l’an 2000. Christian Dodelin lui, dirige le SSF depuis 1996…

Pourquoi diable accepte-t-on un tel sacerdoce ? À coup sûr, parce qu’on estime devoir porter un temps le fardeau commun, comme certains l’ont déja fait, comme d’autres le feront ensuite. Et aussi parce qu’on se bat, non pas pour soi, mais pour des idées.

En tout cas, ce n’est pas dans l’espoir d’une quelconque reconnaissance qu’on relève ses manches : « l’ingratitude est la marque des peuples forts ». En son temps, Churchill avait rappelé à De Gaulle cette réflexion de Plutarque… De fait, un tel manque de reconnaissance est compréhensible : accepter une mission, c’est s’estimer capable de la remplir correctement ; réussir, c’est donc simplement remplir ce contrat. A l’inverse, échouer, c’est avoir trompé ses mandants. Plus on monte haut dans une hiérarchie, moins on a le droit à l’erreur : pour la structure toute entière, les risques deviennent trop graves, et les critiques à attendre sont à la hauteur.

Quiconque prend une responsabilité accepte implicitement d’être jugé sur son action. Pour Christian et Joël, arrive ce temps du bilan. Tentons de l’établir, car si, comme le disait Felix Ruiz de Arcaute, « seule la chaîne compte », la qualité de chaque maillon, donc la solidité de l’ensemble, dépend évidemment du talent de celui qui l’a forgé…

Joël Possich, un fonceur
et un organisateur de talent

Joël Possich, né en 1955 en Normandie, s’est installé en Rhône-Alpes, à Lyon, vers 1986. Marié deux fois, séparé deux fois, il est père de quatre enfants, deux de chaque union.

Ce sportif venu tardivement à la spéléo est d’abord un coureur de fond. Il a participé à de nombreuses courses, dont certaines de niveau international. Sa fibre associative est forte : il a présidé son club de course à pied pendant quatre années. Inscrit au Spéléo-Club de Villeurbanne, il en est devenu rapidement un des dirigeants puis le président, un poste qu’il a assuré cinq ans.

C’est un hyper actif : le matin au boulot, à midi à la fédé, l’après-midi en vadrouille professionnelle ou associative, le soir au tabac-presse de sa compagne à Décines…

Il a toujours eu la fibre administrative et technicienne. Cheminot, il s’est orienté vers la formation des conducteurs de train et a acquis le statut de cadre de la SNCF. Dès lors, quoi de plus normal, pour un formateur apprécié, que d’intégrer l’EFS ?

Rapidement initiateur, moniteur, puis instructeur fédéral, Joël a gravi tous les échelons en quelques années. C’est lui qui a, sur une idée de Rémy Limagne, lancé et animé le Groupe d’Etudes Techniques de l’EFS. L’objectif était d’effectuer des tests techniques pour faire évoluer l’enseignement, et, plus généralement, pour informer le milieu spéléo. Dans les années 93-95, de nombreux articles dans Spelunca ou Info EFS en ont résulté. Ces articles sont d’une qualité inégale, car, s’il s’est entouré de personnalités compétentes (Serge Fulcrand, Thierry Krattinger, Gérard Cazes, Fabien Darne, Serge Caillault, d’autres encore), il néglige souvent leur avis, …lorsqu’il pense à le leur demander avant que son article ne soit déjà écrit !

Joël est un sanglier boulimique. Sa capacité à ingurgiter les dossiers impressionne, mais, une fois qu’il a forgé son opinion, il fonce tête baissée sans plus rien voir autour de lui. En gravissant les échelons fédéraux, ce trait de caractère s’affirme. Plus l’adversité devient âpre, plus sa détermination et ses certitudes se renforcent, au détriment de sa capacité à se remettre en cause.

Joël Possich a tenu quatre ans le poste de coordinateur EFS Rhône-Alpes, à partir de 1994. De 1994 à 1996, il a été président adjoint de l’EFS sous Rémy Limagne, puis président en titre de 1996 à 2000, Rémy devenant alors son adjoint. Lors de son mandat, Joël, aidé de Jean-Pierre Holvoet, a surtout réglementé et organisé l’EFS pour en faire une structure dont l’organisation est devenue quasi professionnelle, quoique toujours associative. Deux réformes des stages, des prescriptions d’utilisation (GET, VG Norm), les deux manuels techniques Initiateur et Moniteur, toutes ces actions sont à mettre à son actif. Ses qualités d’organisation, sa capacité de travail ont apporté beaucoup à l’EFS mais son manque d’écoute, son obstination, sa certitude d’avoir raison, ont découragé plus d’un bénévole.

Joël Possich accède à la présidence fédérale pour gérer l’olympiade 2000-2004. Il s’agit de « resserrer les boulons » après la présidence Vautier et ses dérives. C’est une action pour laquelle il est doué et va effectivement réussir.

Son trésorier, Éric Lefèvre, met fin aux abus constatés dans la gestion financière de certaines commissions, dont les comptes s’étaient opacifiés à force de multiplier les autorisations de signature sans vraie raison. Les budgets fédéraux sont clairement définis et tenus. La gestion journalière de la FFS et les dépenses sont maîtrisées.

Autre gros point fort de Joël Possich : la gestion du personnel. Il l’organise comme le ferait une entreprise. Une équipe est constituée avec des profils de poste clairs, et les tâches sont affectées sans ambigüité. L’efficacité est au rendez-vous. Sa proximité géographique avec le siège lui permet d’être très présent sur place, et autant il donne l’impression d’être peu à l’écoute des bénévoles qui l’entourent, autant il sait l’être avec le personnel fédéral, qui, à coup sûr, le regrettera. Souhaitons que cette gestion intelligente et efficace du personnel serve de modèle.

On ne peut oublier enfin qu’il a été l’une des chevilles ouvrières du pôle fédéral de Lyon, devenu depuis peu siège social national de la FFS.

Sous terre, Joël est un spéléo solide sans toutefois être un fanatique d’exploration, mais aucun type de pratique ne peut se prétendre supérieur à un autre. Dans le Rhône, on ne l’a jamais vu non plus dans un exercice secours, et, là, on peut le regretter : une expérience pratique l’aurait sans nul doute aidé dans ses négociations officielles. Mais il ne s’est pas intéressé à cette question.

Il a eu en revanche l’expérience d’une recherche de disparus, l’anecdote est à citer. À la demande de familles de Villeurbanne, il a poursuivi en juin 1997 avec le SCV les recherches abandonnées par les pouvoirs publics, et retrouvé dans un gouffre du Pinet les corps de deux randonneurs en raquettes qui s’étaient perdus plusieurs mois auparavant sur l’Alpe. Au retour de cette découverte, il appela… Christian Dodelin, Conseiller Technique Départemental de la Savoie (CTD) pour l’informer et lui demander de déclencher les procédures officielles. Les routes de nos deux héros se rencontraient !

Christian Dodelin, une force sereine

Christian Dodelin est de même origine, et lui aussi a émigré en Rhône-Alpes !

Né le 25 octobre 1948 à Pavilly (76) d’une vieille famille normande, il découvre la spéléo à 22 ans. Dès 1975, il devient correspondant de l’EFS et CTD de la Seine-Maritime, postes qu’il assurera jusqu’en 1978. Educateur spécialisé, il consacre son mémoire à la spéléologie à visée éducative. Mais il a vite fait de constater que sa Normandie natale est un peu juste pour assouvir pleinement sa passion. Il envisage d’émigrer vers les Pyrénées. Malheureusement, ses seules possibilités professionnelles se trouvent à Toulouse, et pour Christian, Toulouse ou Rouen c’est du pareil au même : lui veut vivre au bord des gouffres ! Il continue donc sa carrière normande, et c’est en 1976, au cours du stage Instructeur de Font d’Urle1 qu’il découvre les Préalpes. En 1978 c’est donc les Alpes qui l’accueilleront, même si à son goût elles ne sont plus assez sauvages, et que les autoroutes les ont déja défigurées. Cela aurait pu être Gap, finalement ce sera Chambéry, et l’installation dans les Bauges.

Dès lors, il peut satisfaire sa passion, la spéléo de très haut niveau, au sein du Spéléo-club de Savoie, auquel il s’inscrit en 1979. A l’époque, il y avait là des « grosses pointures » qui tournaient fort : Robert Durand, Patrick Lesaulnier, Juan Espejo, les frères Yoccoz, Jacques Nant, Marc Papet, Jean-Louis Fantoli… « Le Dod » s’intègre tout naturellement à cette équipe. C’est l’époque des gros coups : Tanne aux Cochons, Tanne Froide, Pissieu, Crolleurs, Benoite, Garde, Litorne… En 1983, la Tanne des Cochons devient le dixième gouffre de France, avec la profondeur de -817. Cette période bénie dure jusqu’en 1989, et, pendant ces dix ans, les kilomètres de première se succèdent à un rythme effrené.

Parallèlement, Christian Dodelin s’investit à fond dans la vie fédérale, notamment à l’EFS dont il est le responsable des stages moniteurs-instructeurs de 1981 à 1987. Comme si cela ne suffisait pas, à la demande de Robert Durand, il prend le poste de CTD secours de la Savoie en 1984, une fonction qu’il remplit toujours, et où il a su cultiver d’excellentes relations avec le préfet et le Service départemental incendie et secours (SDIS) : un modèle de collaboration harmonieuse et efficace !

En 1986, il intègre le Comité Directeur du SSF pour prendre en charge l’organisation des formations.

Comme il lui reste du temps (!) il devient encore président du Spéléo-club de Savoie, puis du comité départemental de spéléologie 73 (CDS 73) de 1990 à 2000, tout en étant tour à tour (mais en même temps) membre du Comité directeur de la région Rhône-Alpes, délégué chiroptère de la commission scientifique pour la région, BE spéléo, paléontologue amateur, naturaliste fana de chauves-souris et de faune cavernicole, membre du conseil municipal de son village et chef de chorale !

Professionnellement, il est toujours éducateur spécialisé (et réputé) de la Protection judiciaire de la jeunesse de Savoie. Séparé, il a deux enfants dont l’un est féru de biologie comme son père, avec qui il a écrit un manuel de détermination des chauves-souris d’après leurs ossements.

Christian est donc comme Joël, un boulimique. Mais autant le second est un fonceur autocrate, autant le premier appuie son action sur la réflexion et l’ouverture. Par son métier, il connaît les vertus de l’écoute et de la parole. C’est d’ailleurs un bavard impénitent : décider de l’appeler au téléphone mérite réflexion… Christian garde toujours son calme ; en négociation, il semble partir du principe que ses adversaires se rendront compte tout seuls de leurs erreurs. Il fait systématiquement le pari de l’intelligence, ce qui ne marche malheureusement pas toujours !

Quand on demande à Christian Dodelin quelle a été sa contribution majeure au SSF, sa réponse est immédiate : « laisser s’exprimer à fond le savoir-faire de tous ceux qui disposent d’une compétence ».

Nul ne doute que ses collaborateurs regretteront ses qualités humaines.

C’est évidemment au SSF que Christian Dodelin laissera, pour les spéléos, sa marque la plus profonde. Après y avoir rempli les fonctions dont on vient de parler, il succède en 1996 à Pierre-Henri Fontespis-Loste. La transition s’opère sereinement. Le SSF est depuis longtemps une commission fédérale particulièrement solide, qui a su se construire une véritable culture, qui est reconnue par les pouvoirs publics, et considérée comme un modèle par la communauté spéléo internationale. Christian Dodelin aurait pu s’imaginer conduire une présidence studieuse mais sans heurts, où il n’aurait eu qu’à consolider encore les positions acquises et le rayonnement de cette belle machine. Mais il ne pouvait pas prévoir la montée en puissance de l’appétit des pompiers pour le « gâteau » que représente pour eux le secours spéléo, et la médiatisation croissante des accidents souterrains, attisée par les pompiers eux-mêmes, qui flairent là l’occasion de valoriser leur image de marque en s’attribuant les mérites de l’action des spéléos. Or, c’est sous son magistère que surviennent de très grosses opérations : Vitarelles (cf. Spéléo 33) Crolleurs, Fontanilles (cf. Spéléo 38) et avec elles tous les excès, dérives, jalousies et règlements de comptes qu’on imagine dans ce nouveau climat (cf. Spéléo 39). C’est là que Christian Dodelin va donner toute sa mesure, maintenant le cap, gardant la tête froide, rendant coup pour coup sans se départir d’une attitude calme et lisse sur la forme qui lui permet de rester intraitable sur le fond.

Christian développe également son action à l’international, notamment par des échanges et par l’encadrement de stages à l’étranger. Il contribue ainsi à augmenter encore le rayonnement de la spéléologie française à travers le monde.

il privilégie enfin le renforcement des structures départementales du SSF, en multipliant les contacts sur le terrain : au cours de son mandat, il n’est pas un seul département français qu’il n’ait visité une ou plusieurs fois, pour un stage, une entrevue, une réunion de travail. Il consolide ainsi les structures locales du SSF, qui sont le véritable garant de l’excellence fédérale en opération de secours.

La Convention nationale secours, deux ans de galère pour un naufrage

Survient l’affaire du renouvellement de la Convention nationale secours. Elle va mettre Joël Possich et Christian Dodelin face à face, et donc constituer la suite logique de cette rétrospective.

Face à face, et non pas côte à côte : là est tout le problème…    Dès 1994, La DDSC, Direction de la défense et de la sécurité civile, avait fait part au SSF de l’utilité d’ajuster à terme la Convention nationale de 1985, rendue partiellement caduque du fait de l’évolution de la législation et de la terminologie. Mais ce n’est qu’en 2001, après les Vitarelles, qu’elle se fait pressante. Les discussions s’engagent donc entre Christian Dodelin et Michel Sappin, directeur de la DDSC. Il apparaît cependant très vite que c’est pour l’administration l’occasion de tenter de « casser » la machine SSF et de faire passer les spéléos sous la coupe des pompiers. M. Sappin est cet ancien préfet du Lot, qui avait tant félicité les spéléos pour leur efficacité lors du secours des Vitarelles, après le fiasco lamentable des pompiers, pourtant rameutés à grand frais de tout le sud-ouest du pays. On se souvient de la polémique sur les coûts qui en a résulté. Le succès final de l’opération avait propulsé M. Sappin à la direction de la DDSC, où il avait très vite oublié ce passé pourtant proche, pour céder au lobbying intense de sa nouvelle famille.

La version qu’il propose prévoit, entre autres reculs, la nomination de conseillers techniques départementaux secours non spéléos, et la perte de la direction de la composante souterraine des opérations par le CTD, au profit du commandant des opérations de secours (COS), un officier sapeur pompier évidemment ignorant des réalités spéléologiques de terrain. Elle ne traite pas non plus de façon satisfaisante le remboursement des frais engagés par les spéléos, ni l’entretien et le renouvellement du matériel secours, pourtant réquisitionnable à la discrétion des autorités, même sans réquisitionner les spéléos eux-mêmes.

Le diktat de Michel Sappin

Pour Christian Dodelin, c’est évidemment inadmissible. Il refuse cette rédaction, et continue de négocier, l’ancienne convention restant en vigueur en attendant qu’on ait progressé. Mais pour M. Sappin et son sens très particulier de la négociation, le texte est à prendre ou à laisser. Pourtant, lorsqu’il a soumis son projet aux Directeurs de Protection Civile réunis à la mi-juin, il n’a pas reçu leur aval. Nombreux sont ceux qui expriment en privé leur soutien à Christian Dodelin, l’engageant à ne pas céder devant le coup de force de la DDSC.

En juin 2002, le SSF refuse le diktat, et, en août, la DDSC dénonce unilatéralement la convention de 85. Elle contraint les sauveteurs spéléos à ne plus intervenir au travers de l’organisation SSF, mais au contraire à titre individuel, de façon bénévole, dans le cadre d’une réquisition de droit commun, et sous menace de sanction judiciaire en cas de refus. Les vacations sapeur pompier payées aux spéléos sont supprimées. De fait, les spéléos sauveteurs passent sous la coupe des pompiers.

Clairement, cette dénonciation unilatérale est une faute, qui jouera un rôle dans le départ de M. Sappin de la DDSC dès décembre 2002. En effet, pour assurer la continuité de l’organisation des secours, la DDSC se met elle-même dans l’obligation de rappeler les spéléos à la table de négociation pour obtenir un texte, ce qui modifie clairement le rapport de forces.

Car cette crispation brutale ne résout rien, les spéléos restant évidemment indispensables sur le terrain. Préfectures et SDIS le savent bien ; ils ne comprennent pas la décision de dénonciation, les voici dans l’embarras pour assurer la réalité des secours souterrains. Plusieurs de ces structures le font savoir à la DDSC, ce qui renforce objectivement notre position dans les négociations à venir. Hélas, cette opportunité sera gâchée, comme on le verra plus bas.

Une opportunité gachée

La DDSC consulte. En février 2003, elle réunit gendarmes, CRS et pompiers. Ordre du jour : peut-on se passer des spéléos, ces empêcheurs de secourir en rond, et rester entre professionnels de bonnes manières ? Mais aucun des trois corps ne se déclare capable individuellement d’assurer les secours souterrains, et encore moins ensemble. Gendarmes et CRS, qui ont le sens des réalités et s’entendent localement bien avec les équipes spéléo-secours, affirment tout net que le SSF est incontournable. Quand aux pompiers, toujours à la poursuite d’un monopole aussi mégalo que chimérique, ils proposent évidemment de se former pour prendre à terme la place des spéléos… Ceci, bien sûr, au mépris total de la bonne utilisation de l’argent public2. Une attitude corporatiste et dépensière qui n’est pas nouvelle, puisque dénoncée par ailleurs en 2001 par un rapport du Sénat3.

Rien ne va plus

Parallèlement, le torchon brûle entre le SSF et la FFS. En effet, dès le printemps 2002, deux conceptions se sont opposées : le SSF considère comme inutile et dangereuse la signature d’un texte qui sanctionnerait l’acceptation d’un recul historique dans le niveau de relation entre les Pouvoirs publics et la fédération à propos des secours.

Le bureau fédéral, lui, préfère signer le texte en l’état et tenter par la suite de le faire évoluer4.

Car le président Possich veut que la convention avec la DDSC soit signée, et, d’ailleurs, si ce n’est pas déja fait, c’est à cause de l’intransigeance de Dodelin et sa clique, qui n’a pas l’échine assez souple, ni l’ampleur de vue du président fédéral ! Pour lui, c’est clair, la question des secours n’est qu’un aspect mineur d’une vision plus vaste : une signature, quel qu’en soit le prix en termes de compromis (sion), est indispensable à la reconnaissance pleine et entière de la fédération comme interlocuteur privilégié sinon unique des Pouvoirs publics, pour tout ce qui concerne le monde souterrain. Tant pis s’il faut pour cela abandonner ceinture et bretelles.

Pour conforter sa position et exiger que le SSF parvienne rapidement à une signature, Joël Possich a fait voter l’Assemblée générale 2002, mais en oubliant de porter préalablement ce point à l’ordre du jour, pour éviter, disent les mauvaises langues, que les délégués n’aient l’idée de s’informer trop exactement avant d’entrer en séance. l’Assemblée, qui n’est quand même pas si manœuvrable, donne l’autorisation de conclure à condition que quatre points, dont deux jugés non négociables soient satisfaits. Le plus important est bien sûr celui de la nomination du CTD. Le texte proposé par la DDSC indique dans son article trois : « Le préfet peut nommer un conseiller départemental sur proposition du SSF ». Le SSF, lui, demande la formulation : « Le préfet nomme… ». L’AG reprend la proposition du SSF.

Mais en juin 2002 les quatre points n’étaient toujours pas acceptés par la DDSC, ce qui a conforté Christian Dodelin dans son refus.

Une stratégie d’équipe

Dès l’annonce de la dénonciation unilatérale, Christian Dodelin comprend que désormais la recherche d’un accord sur la convention, vu les divergences avec le bureau fédéral, est une impasse ou un piège. Il retravaille sa stratégie avec son équipe : — déplacement de la bataille au niveau des conventions départementales. M. Sappin ayant incité les préfets à renégocier ces conventions, il s’agit maintenant, là où elles le sont effectivement, de se battre pour obtenir localement ce qu’on n’a pas pu arracher au plan national. Dans les départements à problème, on s’est précipité dans la brêche ouverte par M. Sappin. Les SDIS cherchent à introduire les GRIMP dans la convention départementale pour les engager dès l’alerte, en reconnaissance, de manière à ce que ce soit eux qui décident de la nécessité ou non d’appeler le SSF. Ce serait la fin de l’alerte automatique des spéléos, qui ne seraient plus convoqués que si les pompiers l’estimaient nécessaire. Côté SSF, on se bat pied à pied. — lobbying intense par les CTD auprès de leurs députés, sénateurs, présidents de Conseils Généraux et préfets pour qu’ils interpellent le Ministre de l’Intérieur afin d’influer sur la rédaction de la future loi de modernisation de la Sécurité Civile, qui sera l’occasion de remettre à plat tous les problèmes.
Intrigues vénitiennes

Côté bureau FFS, on en reste au contraire à la recherche empressée d’une signature de la convention sur la base des préconisations de l’AG 2002.

Après le Comité directeur fédéral d’octobre 2002, où les deux points de vue ne se sont pas rapprochés, le président Possich tranche seul : il charge discrètement son vice-président Michel Baille de la reprise des négociations avec la DDSC. Ce faisant, il désavoue le SSF tant en interne qu’en externe, se prive de ses propres spécialistes, et entre dans la logique de négociations secrètes ! Il y participe lui-même parfois, une pratique dangereuse, car il est alors en première ligne, sans négociateur-fusible qu’il pourrait désavouer si les choses tournaient mal.

Il y a déja un certain temps que Joël Possich, très centralisateur, attend son heure pour « remettre au pas » le SSF. En arrivant aux affaires, il a découvert la grande autonomie de cette commission, avec un président qui s’adresse directement au Ministre, qui négocie et écrit aux préfets sans passer par le filtre du président fédéral. Une manière de faire pourtant parfaitement maîtrisée, et qui a prouvé maintes fois son efficacité depuis très longtemps, mais qui ne convient pas à sa vision de la FFS, pas plus qu’elle ne plait au Directeur technique national Claude Roche, qui souffle sur les braises.

Dérive présidentielle

L’évolution de l’affaire va manifester clairement la dérive présidentielle du régime de Joël Possich. Petit à petit, une sorte de coterie s’est rassemblée autour de sa personne. Le plus actif y est Michel Baille. Le CTN en est. Ce fonctionnement biaisé marginalise du même coup dans le bureau fédéral des personnalités aussi essentielles que le secrétaire général, excusez du peu ! Les règles de notre fédération sont gauchies. Quand les statuts ne lui donnent que la prépondérance en cas de partage des voix au Comité directeur, il s’est arrogé un droit de véto de fait sur la politique fédérale. Comment ? C’est simple : il considère tout vote non conforme à ses idées comme une marque intolérable de défiance envers sa personne, ce qui ne lui permet pas de continuer à travailler sereinement. Et il agite le spectre de sa démission pour arriver à ses fins. Nous voici soumis au dogme de « l’infaillibilité présidentielle » !

Joël Possich présente au bureau fédéral, le 11 janvier 2003, la formulation qu’il compte maintenant présenter à la DDSC pour le fameux article 3. Elle est ainsi rédigée : « Le préfet peut nommer par arrêté, sur la base d’une liste proposée par le SSF, un conseiller technique qui l’assiste, etc. ». Bien qu’avec cette « ruse » le plus important des quatre points jugés non discutables par l’AG 2002 soit vidé de sa substance, il obtient, sous menace de démission, l’accord du bureau pour faire aboutir la négociation sur ces nouvelles bases.

Or, voici que le SSF est mis au courant de l’existence de ces tractations par une fuite ! L’apprenant, et criant au complot, le président Possich démissionne le 14 février, mais « surpris et sensible aux nombreux messages et marque de sympathie (qui lui ont été) adressées », il reprend cette démission le 20. On est en plein vaudeville. De son côté, Christian Dodelin dénonce la politique du secret et le glissement du bureau vers l’abîme : la nouvelle formulation ouvre une voie royale à la nomination d’un CT non spéléo, avec en plus l’aval de la fédération.

La crise est au plus haut mais le dénouement approche. Une réunion de conciliation entre le bureau FFS et le conseil technique du SSF a lieu le 1er mars. Légaliste, Christian Dodelin laisse le champ libre au président Possich sur la convention.

La chute

La DDSC a accepté (sans douleur, on l’imagine) le « peut nommer », qui lui a été transmis le 29 janvier. Mais en avril, sentant que la situation lui est favorable, elle pousse encore un peu plus loin ses pions. La rédaction devient : « Le préfet nomme un conseiller départemental et éventuellement des conseillers adjoints par arrêté préfectoral ». La référence au SSF a sauté complètement, mais le président Possich accepte…

Les jeux sont faits. On discute de la circulaire d’accompagnement aux préfets qui accompagnera le texte de la nouvelle convention, et qui sera, juré, craché, très favorable aux spéléos. La délégation fédérale demande que cette circulaire précise un certain nombre de points forts, tous accordés par la DDSC, mais qui ne se retrouveront pas dans le texte finalement envoyé en septembre : sur toute la ligne, c’est un échec lamentable.

Le 20 mai 2003, Joël Possich signe des deux mains, « dans une excellente ambiance », un texte ravageur, en présence de deux otages du SSF, amenés là pour bien manifester le triomphe du président. M. de Lavernée, le successeur de Michel Sappin qui a tout gagné, se frise les moustaches…

Demain, l’espoir ?

Parallèlement, le travail de fourmi du SSF auprès des élus s’avère payant : c’est une centaine de parlementaires qui interviennent pour demander que les spéléos soient validés dans leur mission et dans leur statut. Deux d’entre eux, Jean-Louis Christ, député, et Hubert Haenel, sénateur, tous deux élus du Haut-Rhin (le département d’Éric Zipper, président-adjoint du SSF…), centralisent les actions de leurs collègues et défendent notre dossier auprès du Ministre de l’Intérieur. Celui-ci a nomme un expert pour enquêter sur la situation dans les départements.

Le SSF obtient d’être associé à la rédaction des textes de la nouvelle loi de modernisation de la Sécurité civile. Celle-ci doit nous permettre d’obtenir un vrai statut du sauveteur spéléo qui ne sera plus écrit dans une convention dénonçable n’importe quand, de régler la question des secours actuellement payants au gré des communes, d’établir les fondements d’un financement de la structure du secours souterrain, enfin de préciser le rôle de chacun et les conditions du remboursement des opérations.La route est encore à dégager, elle reste longue et difficile, mais le SSF y a repris la place de négociateur officiel pour la FFS que le bureau lui avait si malheureusement contestée.

Chapeau bas !

Droit de réponse de :
Joël POSSICH, président de la Fédération Française de Spéléologie à
paru dans le numéro 46 de SPELEO Magazine intitulé : » Au revoir… et merci « 
Date de réception : 17 avril 2004

2 pensées sur “Au-revoir… et merci !”

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