Droit de réponse de :
Joël POSSICH, président de la Fédération Française de Spéléologie à
paru dans le numéro 46 de SPELEO Magazine intitulé : » Au revoir… et merci « 
Date de réception : 17 avril 2004

Quelle n’a pas été ma surprise …et ma fierté… de voir que le numéro 46 de Spéléo consacrait un article de 3 pages au bientôt ex-président de la FFS ; et cela sous la signature d’un éminent spéléologue, peut-être un peu moins éminent chroniqueur.

Pour commencer, il semble que mon zélé biographe n’ait pas poussé trop loin les investigations à mon sujet, sinon il aurait fait état de ma vrai date de naissance, de ma situation familiale et professionnelle réelles, ainsi que d’un emploi du temps journalier vraisemblable. Je conçois que ces éléments personnels,  » de la plus haute importance « , soient particulièrement difficiles à se procurer, mais un simple coup de téléphone à mon domicile ou sur mon portable aurait permis de livrer des renseignements moins fantaisistes.

D’un autre côté, difficile de faire du sensationnel avec des faits solides et avérés. Il est plus aisé d’agrémenter le tableau lorsque l’on n’en sait pas trop sur le dossier, n’est ce pas ?

Ainsi, le lecteur l’aura compris, l’article en question ne se distingue pas particulièrement par l’objectivité et l’exactitude des propos qui y sont tenus. Depuis les détails personnels de mon portrait jusqu’aux faits qui illustrent mon mandat dans la gestion du  » dossier secours en milieu souterrain « , l’auteur de ce papier s’est contenté d’éléments souvent approximatifs, bruits de couloirs et autres avis orientés de certains détracteurs.

Ce dossier concernant le secours souterrain est complexe et doit s’analyser dans une perspective d’avenir. Pour contribuer à le clarifier et à préparer ses futurs développements, je tiens donc à retracer les événements tels qu’ils se sont passés, à replacer les diverses étapes dans leur contexte et à donner une vision factuelle des actions qui ont été menées.

La convention, qui nous liait au Ministère de l’Intérieur, était caduque du fait de la loi et tout le monde s’accordait sur la nécessité de la faire évoluer (FFS/SSF et la Direction de la Défense et de la Sécurité Civiles -DDSC). Pour cela, nous avons provoqué, le 10 décembre 2001, une rencontre avec la DDSC qui s’est mal passée pour deux raisons :

– M Sappin avait un contentieux à régler avec le SSF depuis  » les Vitarelles « ,
– Nos demandes (après concertations avec le SSF) étaient pour partie hors la loi.


La DDSC présente un texte assorti d’un ultimatum et le Bureau Fédéral est interpellé (pour la note d’humour, je n’étais pas présent à la réunion citée ci-dessous).

REUNION DE BUREAU DU 27 ET 28 AVRIL 2002 HERAULT
Point 1 du CR
Le bureau considère, à l’unanimité, que ce texte est acceptable et il est favorable à la signature de la convention. Le bureau considère par ailleurs qu’il est de l’intérêt de la fédération de retrouver des relations normalisées et sereines avec le ministère de l’intérieur.

La stratégie développée par la suite s’appuie sur cette résolution.
Le texte de la convention proposé par la DDSC provoque une polémique interne sous-tendue par deux attitudes différentes :

– un refus pur et simple du projet de convention (SSF)
– une acceptation du texte dans l’état (bureau FFS)


Devant des positions aussi divergentes, le Bureau fait préciser par l’ensemble du Comité Directeur la position qui sera proposée à l’approbation de la FFS.

REUNION DU CD FFS DU 1 JUIN 2002 PARIS Point 10 du compte rendu
Discussion et vote de la motion qui sera soumise à l’AG
Approuvé par 17 voix pour et 2 contre

Cette motion proposée à l’AG reflète le travail d’un Comité Directeur FFS certainement  » manipulable  » qui a eu l’intelligence de rapprocher les extrêmes sans négliger l’intérêt des fédérés. Ainsi, il est proposé que la convention soit signée moyennant la modification de 4 points (2 obligatoires et 2 facultatifs) ; cette proposition devant être entérinée (ou amendée ou rejetée) par l’AG.

Ainsi, la motion suivante est présentée à l’AG.
AG 2 JUIN 2002 PARIS
Point 11 du Procès Verbal
Il est donné mission au président de signer la convention moyennant la négociation des points suivants,… Approuvé par 72 voix pour et 2 abstentions

L’Assemblée Générale Fédérale, probablement tout aussi  » manipulable  » que le CD (sic), suit donc la position du Comité Directeur FFS et me mandate pour signer la convention dans les conditions définies plus haut.
Conformément à la décision de l’AG, j’adresse un courrier à la DDSC.
REUNION DE BUREAU DU 29 ET 30 JUIN 2002 PARIS
Point 1 du Compte Rendu
Notification qu’un courrier a été envoyé au ministère de l’intérieur pour donner la position de l’AG.

La suite ne se fait pas attendre car fin juillet 2002 la convention est dénoncée par le ministère de l’intérieur.
Le blocage du ministère de l’Intérieur est bien réel et aucune négociation n’est possible.
Pour la fédération et le président, cette dénonciation est confortable car nous n’avons plus aucune responsabilité dans la gestion des secours et il ne nous reste plus qu’à attendre le gros carton pour dénoncer une position intransigeante de l’administration.
J’aurais pu, à l’époque, profiter de ce confort sans avoir trahi la position votée par l’AG FFS.
Cependant, j’affirme haut et fort que notre devoir n’était pas de jouer ce jeu dangereux, mais bel et bien de faire reconnaître la compétence de nos secouristes et de notre Commission Secours.
Nous n’avions pas le droit de laisser le champ libre pour que d’autres, avec des moyens considérables et des appuis  » politiques  » s’organisent.
Fort de cette conviction, j’ai demandé a Michel Baille : président adjoint (et non pas vice président) et à Claude Roche : Directeur Technique National (DTN et non pas CTN) de maintenir le contact avec la DDSC et j’en ai rendu compte au Comité Directeur FFS.

REUNION DU CD FFS DU 25 ET 26 OCTOBRE 2002 LYON
Point 5 du Compte Rendu
Notification que les contacts sont établis avec le ministère de l’Intérieur

La nomination de M Sappin à d’autres fonctions a été une opportunité pour ouvrir à nouveau les négociations.
Parallèlement, les querelles internes nous empêchaient de développer une stratégie cohérente et unie. Nous sommes partis à  » la bataille  » en ordre dispersé, avec un objectif commun mais placé à un niveau différent : minimal (Bureau) et maximal (SSF).
Un autre paramètre était à prendre en considération, c’était la loi sur la modernisation de la sécurité civile qui se profilait à l’horizon. Nous ne pouvions prendre le risque d’être mis à l’écart ; nous voulions être considérés comme l’un des acteurs de la réflexion sur cette future loi.
Finalement, les actions du Bureau (maintien du contact avec la DDSC) et du SSF (action menée en direction des parlementaires) ont fini par retrouver une certaine cohérence et par aboutir à la reprise des négociations. Pour information, je n’ai jamais participé aux négociations en dehors de la phase finale.

Le mandat de l’AG étant toujours valable, la base de discussion était donc de faire valider les 4 points.
Pas à pas, les négociateurs ont réussi à faire passer trois points. Il restait un seul point en litige, concernant la nomination du Conseiller Technique, qui posait problème.
Sur proposition d’un membre de la direction SSF, une partie du Bureau fédéral s’est rendue à la réunion du conseil technique du SSF le 1er mars 2003 à Lyon.
La encore, le dialogue a permis de rapprocher les courants et de trouver une position commune sur ce dernier point, dont l’acceptation par la DDSC n’était pas évidente.
Finalement, nous avons réussi à le faire admettre et donc signer la convention, non pas en prenant le SSF en otage, mais avec son accord.

Depuis, ce  » texte ravageur  » (sic) fait référence dans tous les domaines et tous les acteurs (Préfet, DDSC, SSF, CDS) s’appuient dessus pour le faire respecter.
Une réunion qualifiée de retour d’expérience s’est déroulée le 7 avril 2004 entre la DDSC et la FFS/SSF validant notre place dans la gestion des secours souterrains et renforçant de fait notre position auprès des préfectures..

La situation concernant les secours est très disparate d’un département à l’autre et l’on s’aperçoit qu’il est souvent difficile de faire appliquer cette convention d’une manière uniforme.
C’est maintenant sur ce registre qu’il nous faut agir.

Evidemment, la gestion de ce  » conflit  » n’a pas été facile, car les  » souffleurs de braise  » sont nombreux et pas forcément là où on le croit. Faire bonne figure devant la communauté et attiser le feu par derrière ne sert qu’à faire composer le 18,…

Même si la manière n’a pas été toujours la bonne, même si nous n’avons pas toujours bien communiqué, il reste que cette épreuve nous aura permis de rebondir et de sortir renforcés dans l’affirmation de la place de la fédération, interlocuteur incontournable pour tout ce qui touche au milieu souterrain.
Pour Georges Marbach, qui ne semble pas être tout à fait au courant des affaires fédérales (mais qui peut déposer une motion à l’AG pour dénoncer la convention), juste pour éclairer sa lanterne :

– quelques extraits de mails échangés au sujet d’une réunion récente qui s’est tenue à la DDSC,
– un cours extrait du compte rendu qui en a été fait,
– un petit tableau du travail en commun réalisé entre le Président et le SSF depuis la signature de la convention.

E-mail envoyé par un membre de la Direction Nationale du SSF suite à ma demande d’avis
 » Pour la réunion, il faut y aller, je suis partant, et il faut quelqu’un qui prenne des notes durant cette réunion. Il ne faut pas les laisser seuls et notre chaise vide, on a des choses à se dire et des questions à poser à la DDSC.

Si on laisse faire, dans deux ans, c’est les rouges qui valident nos formations.

COMPTE RENDU REUNION DU 19/12/03 AVEC LA DDSC POUR LE GUIDE DE REFERENCE ISS

Cette réunion s’est tenue à la DDSC à Asnières, en présence de Mme Detour, M. Raffy, Lieutenant-colonel de Challus.
Le SSF était représenté par Jean-Paul Couturier, Bernard Tourte et Eric Zipper.

… » Les rouges avaient souhaité devenir les seuls intervenants en secours souterrain. La signature de la convention contrarie sévèrement leur projet. « …

Date d’envoi Destinataires Objet Copies réf chrono
29-janv-04 DDSC – M. de LAVERNÉE difficultés liées à l’application de la convention député JL CHRIST
sénateur HAENEL
sénateur HOEFFEL
JP/EZ/04-19
13-févr-04 DDSC – M. de LAVERNÉE relance courrier du 29/01/04 suite au plan de secours du Lot et projet de la Sarthe Conseiller Technique le CLEI
député Jean-Louis CHRIST
sénateur HAENEL
sénateur HOEFFEL
Préfecture du Lot
Préfecture de la Sarthe
JP/EZ/04-029
13-févr-04 PRESIDENTS DE CDS plan départemental secours à prendre en référence pour une approche homogène JP/EZ/04-030
28-mars-04 LE SP – Lt Cl FAURE Droit de réponse député Jean-Louis CHRIST
sénateur HAENEL
sénateur HOEFFEL
Préfecture de l’Aveyron
DDSC
JP/EZ/04-054

Au revoir et merci Monsieur Marbach de m’avoir donné l’occasion d’évoquer un dossier qui aura tenu tant de place au cours de cette dernière olympiade.

JOËL POSSICH

Commentaire de la direction

De la liberté de la Presse.
Par : Lucien Gratté

le 20 avril 2004
Je sors de ma coquille de vieil escargot rhumatisant à la demande de Serge Caillault, trop impliqué dans les événements faisant l’objet de ce billet pour rester objectif. En effet, il a reçu de Jöel Possich un  » droit de réponse  » relatif à un article de Georges Marbach dans le numéro 46 de Spéléo, intitulé :  » Au revoir et merci ! «  Ne connaissant pas Jöel Possich, c’est en toute sérénité que j’ai étudié le dossier et conseillé le Directeur de la revue.

L’article en cause retrace la carrière fédérale de Jöel Possich et de Christian Dodelin, s’attardant plus longuement sur les rapports récents entre la communauté spéléologique et la tutelle gouvernementale en matière de secours. Quand j’ai lu cet article qui est aussi une biographie sommaire et un élément d’Histoire, j’ai été plutôt agréablement surpris de voir que Georges Marbach avait eu l’intégrité (rare) de rendre hommage aux vertus des personnages, et personne n’a le droit de douter de sa sincérité, mais aussi de ne pas cacher certains de leurs aspects moins flatteurs à ses yeux.

Il est vrai que notre époque du  » politiquement correct  » a inventé la notion de  » biographie autorisée « , ce qui est un non-sens. A un personnage lisse et angélique, je préfère une personnalité avec ses coups de gueule, ses petites mesquineries et aussi son charisme lorsque les événements le demandent.

In fine, ce qui a opposé (pour faire simple) le bureau de la FFS et le SSF est un débat vieux comme le monde : faut-il rester intransigeant sur ses positions, ou faut-il faire des concessions, en espérant rattrapper le terrain perdu ? Il n’y a évidemment pas de réponse-type.

Donc, cet article a déplu à Jöel Possich, qui a envoyé à la rédaction de Spéléo un droit de réponse, en précisant qu’il diffusait ce droit de réponse en interne. Je me suis longtemps interrogé sur la signification de ce  » en interne « . En interne de quoi ? Spéléo est une revue indépendante. Elle n’a pas des adhérents, mais des lecteurs. Jöel Possich considèrerait-il que Spéléo est une annexe de la FFS ? Ce qui impliquerait un devoir de réserve envers la dite fédération ?

Quoi qu’il en soit, j’ai lu attentivement le texte de ce droit de réponse, puis je l’ai confronté à ce que disent la loi et ceux qui l’appliquent sur ce droit qui, au passage, est en train de s’étendre à internet.

Que dit la loi ? Ce droit permet à la personne mise en cause par simple désignation dans un journal ou un écrit périodique de se défendre sans avoir à recourir à la justice. Elle a la possibilité d’adresser au directeur de la publication une réponse d’une longueur équivalente à celle de l’article la provoquant qui est insérée dans un délai de trois jours (pour un quotidien). Le refus d’insertion est considéré comme un délit correctionnel puni de 3750 euros d’amende. La cour de cassation dans un arrêt rendu le 27 janvier 1993 précise que le droit de réponse est un principe général et absolu dès lors qu’une personne est mise en cause dans un article.

Cependant, ajoute le commentateur, ses conditions de mise en œuvre rendent son exercice difficile. En effet si toutes les personnes nommées ou désignées dans un article de presse demandaient un droit de réponse, cela provoquerait un tel engorgement que ce système serait voué à l’inefficacité.

Le droit de réponse a pour fondement la défense de la personnalité ce qui implique une incrimination personnelle puis une réponse contenant la défense. Il n’a pas à être exercé comme tribune, pour combattre ou donner une opinion. Le droit de réponse n’a pas pour destination d’accuser ni de dénoncer. Il amène au contraire une pluralité de points de vue. En effet, il trouve son fondement non pas dans la necessité d’une riposte à une attaque mais simplement dans la possibilité pour une personne nommée ou désignée de faire connaître ses explications ou ses protestations sur les circonstances et dans les conditions mêmes qui ont provoqué sa désignation. Il en a été jugé ainsi par la chambre criminelle de la cour de cassation dans un arrêt rendu le 28 avril 1932.

La réponse doit donc être licite et opportune. En effet, il a été jugé par la chambre criminelle dans un arrêt ancien rendu le 17 juin 1898 et une jurisprudence constante depuis, que le refus d’insérer ne se justifie que si la réponse est contraire aux lois, aux bonnes mœurs, à l’intérêt légitime de tiers ou à l’honneur des journalistes. La jurisprudence retient comme critère la pertinence du contenu de la réponse afin de réduire la portée du droit de réponse et dans un souci d’éviter des abus. Est ainsi accrue la possibilité de refuser l’insertion pour les directeurs de publication (c’est nous qui soulignons).

A la lueur de tout ceci, que penser du droit de réponse de Jöel Possich ? D’abord, il contient plusieurs attaques sur les compétences personnelles de Georges Marbach, ce qui peut s’interpréter comme une atteinte à son honneur de journaliste et même de spéléo, donc l’autoriser à demander à son tour un droit de réponse, qui pourrait déboucher sur un nouveau droit de réponse, qui à son tour, etc…

Ensuite, à travers de longs développements, le président Possich explique qu’il a choisi la stratégie d’occuper le terrain malgré les risques, ce que tout le monde avait compris.

En conséquence, il ne semble pas opportun de publier ce droit de réponse pour au moins deux raisons :

– les lecteurs de Spéléo méritent autre chose que des polémiques. Ils sont assez grands pour se faire eux-mêmes une idée ;
– il serait dommage, mais hélas on en prends le chemin, que les relations à l’intérieur de la communauté spéléo se règlent par exploits d’huissiers et appels à la justice civile. Il y a toujours eu des conflits, parfois sévères, mais jusqu’à présent, ils étaient restés, comme dit Jöel Possich,  » en interne « .

Une page est tournée. D’autres échéances attendent la fédération. Le seul débat légitime, c’est celui qui concerne l’avenir.

Lucien Gratté


Une pensée sur “Droit de réponse de Joël POSSICH”

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