
Extrait de Spéléo Magazine n°45
Expédition de la Commission Jeunes 2002
En 2001 une expédition française de plongée et un exercice secours en Bulgarie avaient permis d’établir des contacts avec des jeunes de la Fédération bulgare de spéléologie. L’idée de réaliser une expédition en commun était née. Le massif du Timfi en Grèce semblait intéressant par son potentiel karstique et sa proximité de la Bulgarie. C’est après une reconnaissance par une équipe jeune française en novembre 2001 que le choix du massif fut confirmé. Du 21 septembre au 16 octobre 2002, l’équipe de l’expédition Timfi 2002, constituée de six jeunes de la Commission Jeunes de la Fédération française de spéléologie, de six jeunes Bulgares et de trois Grecs, part à l’assaut des cavités inconnues du Timfi.
Texte EXPÉDITION JEUNE FFS
Les Bulgares sont déjà arrivés avec nos autres compatriotes, venus directement du Pirin où dix jours auparavant nous participions à l’expédition jeunes Pirin 2002.
Nous découvrons le massif du Timfi et les gorges du Vikos où résurge l’eau du massif à 450 mètres d’altitude, sous le village traditionnel de Vikos. Le matériel de l’expédition est acheminé au camp de base à dos d’homme, après un petit bout de 4×4 qui nous fait gagner plus d’une heure de marche, ce qui est appréciable avec nos charges de 35 kg.
Nous entrons au cœur du massif, et déjà nous découvrons sur le chemin les premiers indices. Il s’agit de petites sources, pour la plupart rapidement impénétrables. Après deux heures de marche, nous posons enfin les claies de portage et installons le camp. Nous rangeons la tente mess, creusons les toilettes, fabriquons les douches solaires. Un peu de confort est appréciable sur ce qui sera pendant trois semaines notre lieu de vie et point de ralliement.
Prospection
La prospection commence dans cet immense paysage karstique. Les premiers gouffres sont explorés, P8, P10, P20 s’enchaînent. Quelques trous sont parfois agrandis mais nous stoppons vite : nous ne sommes pas venus ici ouvrir des chantiers pharaoniques !
Nous couvrons une large zone, à l’est nous allons jusqu’aux crêtes de Gamila et du Karteros, et à l’Ouest nous couvrons les hauts plateaux de l’Astraka jusqu’à la pointe Sud de Baldenisi. Il n’est pas rare de partir pour 10 à 12 heures de marche dans la journée. Néanmoins, les découvertes restent modestes. Sur les 82 cavités pointées et répertoriées comme il se doit, seulement dix dépassent -50 et une seule -100.
Sur ces étendues sans la moindre végétation n’existe aucun point de repère évident. Le GPS est très utile, notamment pour pointer les cavités qui sont explorées, topographiées, et marquées. Nous profitons également de l’occasion pour redonner un coup de peinture sur les quelques cavités explorées par nos prédécesseurs.
Les journées sont bien remplies et nous rentrons régulièrement de nuit au camp. C’est le bon moment pour se perdre, surtout quand il pleut et que les piles du GPS sont mortes… C’est ainsi que Mathieu, Michael et Jéjé ont passé une nuit dehors, s’obligeant à tourner en rond pour ne pas geler sur pied !
Les hauts plateaux de l’Astraka
Parmi les avens les plus intéressants, il y a le TG3. Situé juste au-dessus du Camp de base, à 50 mètres des toilettes (à la COJ quand on ch… on continue d’observer, cf. Spéléo 37). Cette jolie cavité s’ouvre en pied d’un ranc rocheux, par un beau méandre de trois mètres de haut. La perforatrice est bien utile pour équiper les puits, le piton restant l’arme ultime. À -30, nous trouvons une belle galerie ornée d’aragonite, malheureusement obstruée par de la calcite.
Le berger est heureux de nous montrer d’immenses entrées, sur ces hauts plateaux s’étageant entre 2 000 et 2 500 mètres d’altitude. Ce sont souvent de joli puits d’entrée de trente à cinquante mètres. Quelques fois de mauvaises surprises nous attendent au fond, comme ces cadavres d’animaux baignant dans un jus peu ragoutant…
Rossi, notre charmante Bulgare, a découvert un gouffre prometteur. Nous partons sans tarder. Niki commence la descente, une courte étroiture, un P6 et un ressaut de quatre mètres sont descendus. C’est le premier gouffre qui présente une morphologie réellement alpine : méandres et puits. Après un beau et vaste P25, un petit méandre nous mène à un second puits. Malheureusement, à -75 m, il s’arrête sur une fracture impénétrable.
Juste à côté, l’exploration du TA17 est grandiose. Un large puits d’entrée un peu délité débouche sur un large névé donnant accès à une succession de puits glacés aux couleurs bleutées de toute beauté. Un dernier P11 nous fait pénétrer dans une vaste salle à la clarté du cristal, marquant le fond à -78 m.
La foudre !
Un soir d’orage, nous l’avons échappé belle. Sur le chemin d’accès au camp, au niveau d’un col, se trouvait un petit oratoire. La tradition voulait que dans ce petit édifice, dédié à un berger béatifié pour avoir sauvé des villageois de l’orage, on allume un cierge comme protection. Le matin, j’avais allumé la bougie, trouvant l’histoire naïve mais sympathique. Toujours est-il que la foudre est tombée à quelques mètres de nous… Libre à chacun de croire ou non que c’est le petit berger qui nous a sauvés !
Dernières cartouches
Il reste cinq jours avant la fin de l’expédition, et il serait temps que nous découvrions quelque chose de sérieux ! En vingt ans, le berger a vu défiler bien des expéditions. Selon lui toutes ont oublié une zone où pourtant les pierres qu’il jette mettent longtemps, très longtemps, avant d’atteindre le fond.
Il s’agit d’un large lapiaz perché à 1 750 m d’altitude au sud-ouest du plateau, à trois heures de marche du camp. D’entrée, nous effectuons de belles découvertes, plusieurs puits de 50 mètres sont pointés et descendus.
Un des plus intéressants est le TA 39. Il s’ouvre dans la pente par un beau puits de 50 mètres donnant dans une large salle au sol visqueux où l’atmosphère est nauséabonde. Après un R2 puis un R5, une suite impénétrable nous bloque, mais l’écho d’un vaste puits nous motive. Une équipe entame une désobstruction à la cartouche spits. Après 70 cartouches et dix heures d’efforts, l’obstacle est enfin franchi. La suite de la cavité est une magnifique verticale de 65 mètres suivie d’un méandre qui bute sur un siphon, vers -135.
Au TA 47, un autre groupe voit son exploration stoppée vers -75 mètres sur une étroiture siphonnante.
Nos explorations sont gênées par un temps exécrable. Dans le TA 47, la crue stoppe l’équipe topo à -46 mètres. Une partie du matériel passera l’hiver sous l’eau !
Mais le mauvais temps peut avoir du bon ; resté au camp lors d’une journée trop humide, Olivier profite d’une éclaircie pour prospecter dans une zone située à trente minutes de marche du camp. Il découvre le TG 23, qui sera descendu le lendemain jusqu’à -90, où le manque de corde et les cascades dues à la crue nous arrêtent.
La fin de l’expédition est marquée par un temps apocalyptique. Le démontage du camp se fera sous une pluie battante, et près de 70 kg de matériel seront redescendus par chacun lors d’une mémorable journée.
L’entente avec les Bulgares et les Grecs a été totale. Nous avons beaucoup échangé sur les techniques et nos approches de l’activité spéléologique.
C’est avec plaisir que nous retournerons l’année prochaine, ensemble, sur ce massif attachant, pour y poursuivre nos explorations.
ont aidé à la réalisation de cette expédition :
La société Expé, Spit, Dépan perforateur, Sett intérim, Optique horizon, La vieille usine, le Conseil Général du Gard, CREI, le Comité Spéléologique Régional Rhône-Alpes, Comité Régional de Plongée Souterraine Languedoc Roussillon- Midi Pyrénées, Spéléo Club de la Gardonnenque, Louis Berger, Fuji film, Alter Ego, Ascension travaux en hauteur, Manolis et Elena.
Cette expédition a été lauréate d’une Bourse Expé/Spéléo 2002.Et pourquoi pas vous ?
Inscrivez au plus tôt votre projet d’expédition sur le site internet
des Bourses Expé/Spéléo