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Spéléo magazine 92

Pour cette fin d’année, Spéléo magazine vous propose une pratique de la spéléologie que j’ose qualifier d’atypique ! Une découverte à la fois glacée et marneuse. Glacée, à travers les moulins de glace, une pratique en plein essor qui allie alpinisme et spéléologie. Spits et goujons sont remplacés par les broches à glace. Amarrages temporaires ! Le temps d’une visite tout au plus… Une progression qui s’effectue également dans un univers éphémère : quelques semaines par an, si les conditions météo le permettent, entre le froid qui s’installe et annonce l’hiver, et les premières neiges qui recouvrent toutes les ouvertures (crevasses et moulins), interdisant l’exploration. Éphémère également son creusement, sans cesse renouvelé d’une année sur l’autre. La glace se joue de nous. Elle propose un décor digne des plus beaux palais où la lumière et l’eau jouent un opéra symphonique. Nous trouvons également des glaciers souterrains (assez rares) dans nos cavités alpines où nous retrouvons nos habitudes de progression de spéléologues, mais où la scénographie enchante celui qui sait admirer. Cela disparaîtra-t-il un jour avec le réchauffement climatique annoncé ?

Il y a déjà quelques années (je n’ose dire plus) je visitais la grotte de l’Ours dans le massif des Bauges. Sa particularité était un creusement important dans l’Hauterivien. Or, l’Hauterivien n’est pas karstifiable me dit-on ? Cette cavité est-elle l’exception qui confirme la règle ? Grâce à la persévérance des spéléologues, cette particularité est devenue obsolète. D’autres grottes et gouffres qui se développent dans cette couche marno-calcaire ont fait « surface » où plutôt ont été portés à la connaissance de tous, détruisant ainsi quelques certitudes. Laissant ainsi la place au rêve de nouvelles découvertes, d’autant que l’ornementation de ces conduits ne laisse rien à envier à d’autres cavités, disons plus au sud.

Michel Audiard, célèbre parolier, disait : « heureux soient les fêlés car ils laisseront passer la lumière ». Quoi de plus subtil dans cette citation pour le spéléologue qui dévoile peu à peu avec acharnement et passion les secrets de la Terre.

Serge Caillault

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Spéléo magazine 91

J’apprends que le thème principal des Rencontres d’Octobre (cf. page 5) est consacré à la présence du CO2 dans le milieu souterrain. Je ne peux pas m’empêcher de me souvenir d’une exploration des plus éprouvantes pour moi, dans les Salles Rouges de l’aven d’Orgnac (cf Spéléo Mag n° 90). C’était l’année dernière…
J’arrive au petit matin, de Grenoble. Personne sur le lieu de rendez-vous. L’ambiance est automnale, froide et humide. Soudain, j’aperçois courir deux spéléos. Ils disparaissent Je m’approche. C’est Stéphane et Raphaël. La pompe qui désamorce le siphon et ouvre l’accès aux Salles Rouges est en panne. Redémarrage de celle-ci. Ouf ! La tension baisse. Ils vont pouvoir me briefer. Le taux de CO2 présent s’élève à 5,5 %. Cela demande une pratique particulière : ne surtout jamais s’affoler quand le manque d’oxygène se fait sentir. Facile à dire ! Raphaël m’accompagnera tout le long de l’exploration. Il sera mon ange gardien. Nous nous équipons d’une salopette néoprène. L’ascenseur nous mène directement à –100 m. Le ronronnement des pompes se fait entendre. Nous progressons lentement, et nous voilà devant le siphon désamorcé. Nous échangeons avec les spéléos en vigilance devant les pompes. Nous arrivons dans la salle du Siphon. Nous dégoulinons littéralement de boue liquide. J’ai le souffle court mais pas de gène particulière. Raphaël doit organiser les tuyaux d’évacuation dans le siphon. Je reste seul. Je commence les photos. Je suis venu pour cela. C’est ma contribution à l’expédition. J’installe mes flashs. Clic clac. Je déplace mes éclairages. Clic clac. Soudain, je ne respire plus. Surtout ne pas paniquer. Se remémorer les consignes. Je m’effondre sur le banc. Je cherche désespérément de l’air. Je me plie en deux. Réfléchir. Envie d’arracher mes vêtements, être torse nu, respirer, respirer… Sortir de ce piège à rat. J’ai toujours le souffle court. L’angoisse m’envahit. Rester calme, me maîtriser. Chercher le peu d’oxygène présent dans ces lieux. Poursuivre ma tâche. De longues minutes s’écoulent. Je reprends peu à peu mes esprits. J’ai dompté l’angoisse qui m’envahissait à la limite de la perte de contrôle. Ressenti, si près une forme de psychose m’envelopper. De nouveau lucide, je comprends mon état. Je me suis déplacé pour installer mes éclairages comme dans les massifs alpins ? Erreur ! Dans ces lieux, l’éloge de la lenteur est une véritable qualité. Raphaël revient. J’explique brièvement ce que je viens de vivre. Il ne me lâchera plus. Avancer de 10 m, se poser 10 minutes. Se concentrer. Une étroiture ascendante. La franchir le plus sereinement possible. S’écrouler après. Ne pas perdre son souffle. Le reprendre. Encore 5 m à monter. Pause. Enfin, nous sommes à la base de la cheminée du Parapluie (E 94 m). Je ferai la photo assis dans la boue, le pied photo entre les jambes, le souffle court, épuisé… à admirer Raphaël installer mes éclairages. TPST : 5 heures éprouvantes…

Serge Caillault

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Spéléo Magazine 90

Après dix ans d’études et trois ans de travaux, après avoir injecté plus de 50 millions d’euros, après un florilège de procès judiciaires et une myriade de polémiques, après un matraquage publicitaire sans équivalent et une inauguration en grande pompe avec le Président de la République, l’espace de restitution de la Caverne du Pont d’Arc (grotte Chauvet) s’ouvre au public le 25 avril 2015. 3 000 visiteurs sont attendus quotidiennement.

Dimanche 26 avril, le lendemain, je suis avec ma Dame à Vallon-Pont-d’Arc. Nous avons pris nos billets via internet. La visite est prévue pour 11 heures 16 minutes très exactement. Nous sommes ici incognito. C’est notre première fois. Nous n’avons pas effectué de visites inaugurales ou « VIP ». Nous sommes en quelque sorte vierges d’a priori. Le parking est déjà bien encombré. On nous guide pour trouver une place. La file d’attente avant de pénétrer dans l’espace de restitution est conséquente. Nous nous fondons dans le flux touristique de ce jour pluvieux. Nous avons une heure devant nous. Le temps de faire le tour du propriétaire. La conception architecturale de ce « parc préhistorique » est remarquable, et incite à flâner le long des allées. 11 heures, il est temps de rejoindre le début de la visite du fac-similé. Il y a déjà foule. Toutes les 4 minutes un groupe de 20 personnes démarre la visite ! Une famille d’anglais arrive en retard. Bref conciliabule avec les « gentils organisateurs ». Elle rejoint rapidement son groupe puis revient aussitôt : oubli de l’audiophone de traduction. Palabres, elle intègre notre équipe. Nous voilà dans la grotte. Il y a foule. Notre animatrice a été recrutée la veille (?). Elle ne connaît rien à la préhistoire et à la spéléologie en général. Sa voix est inaudible. Les puits sonores ne fonctionnent qu’aléatoirement. Nous sommes ralentis par le groupe de devant et bousculés par celui qui est derrière nous. Quelques gamins, moyennement éduqués, sans surveillance parentale, s’amusent sans vergogne avec les parois de la caverne. Je suis devant le fameux hibou. Je ne ressens aucune émotion. Je suis déçu. Est-ce parce que j’ai eu la chance d’admirer la vraie ? La visite se déroule en un mélange d’admiration par rapport à l’énorme travail de restitution de la grotte et de déception, du fait de la non mise en valeur (spectacle) des fresques. En fait et pour terminer, les concepteurs ont tout simplement oublié de prendre en compte la gestion du flux de visiteurs et la mise en spectacle de l’espace de restitution. Nous en ressortons comme si nous venions de visiter un temple à fric de la préhistoire. Dommage…

Serge Caillault

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Spéléo Magazine 89

Si je cache à la société que j’ai trouvé une cavité exceptionnelle (préhistorique par exemple, pur hasard !), j’agirais de façon malhonnête au regard de la loi. Mais si je décide de diffuser cette découverte, elle risque de m’apporter une somme d’ennuis incalculable au regard des expériences du passé ! Je me retrouve alors divisé entre des principes ou « valeurs » auxquels j’accorde de l’importance. Bonjour le dilemme. Devant une telle situation, la notion d’enjeux éthiques apparaît. Dans nos débats spéléologiques souvent houleux où la surdité l’emporte à la compréhension, il est souvent question au final de dilemmes éthiques ou moraux, ou encore de « conflits de valeurs ». Il s’agit généralement de découvertes fortuites (même si prospections et désobstructions sur nos territoires emplois  la quasi-totalité de notre temps d’explorateurs) où les valeurs et les principes entrent en opposition et rendent les décisions difficiles.

L’éthique conduit à se demander « quels sont les valeurs et principes les plus importants pour la spéléologie et/ou le spéléologue ? Pourquoi ? ». Répondre à ces questions permet de faire face aux dilemmes éthiques que l’on rencontre, et éventuellement de les solutionner. L’éthique admet la discussion, l’argumentation, voire les paradoxes, au contraire de la morale qui ignore les nuances. L’éthique permet de sauvegarder le groupe d’amis qui se retrouve chaque week-end pour accomplir de belles choses…

Une chose qui a de la valeur est supérieure à d’autres sous certains aspects. Elle est désirable. Elle a de l’importance. Dire qu’une chose a de la valeur suppose donc de l’évaluer et de la comparer avec d’autres. Bien entendu, il ne s’agit pas de spéculer sur son prix car la principale difficulté reste souvent de déterminer, entre plusieurs valeurs importantes, laquelle ou lesquelles reflète le mieux la société (club, fédération) dans laquelle on souhaite vivre ou agir.

Le monde souterrain reste un territoire à apprivoiser, pour en apprécier réellement tout son caractère…

Serge Caillault

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