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Spéléo magazine 95

Les révolutions technologiques s’enchaînent dans tous les domaines. Elles ouvrent en permanence de nouvelles portes et offrent de nouvelles voies pour l’exploration. La spéléologie n’échappe pas à ces règles. Nous sommes passés de la remontée à l’échelle à la simple corde et bientôt à la cordelette de 5 mm. Elle est déjà sur le marché mais reste encore particulièrement onéreuse. Il faut la trouver dans le rayon navigation. Nous sommes ensuite passés de l’acétylène à l’éclairage électrique. Véritable confort dans nos progressions souterraines. Il n’y a plus que le « On » avant de pénétrer dans la cavité et le « Off » une fois dehors quelles que soient les conditions : argile, eau, courant d’air, chocs… Si ; il reste néanmoins à accepter (gérer mentalement) les nombreux éclairs éblouissant de nos partenaires quand viennent les échanges entre-nous lors de nos aventures souterraines.

Toutefois les avancées qui m’impressionnent actuellement c’est ce que font les plongeurs spéléos ou spéléonautes. Il y a peu la plongée profonde dépassait rarement les 80 m, voire les 100 m et c’était considéré comme un exploit. Mais avec l’arrivée des recycleurs et la maîtrise de plus en plus « in fine » des mélanges gazeux à respirer, la barrière des 200 m sous le miroir de l’eau deviendrait un objectif presque courant. Je n’ose dire banal pour certains qui jongle avec cet environnement plusieurs fois par an, repoussant toujours plus loin les limites mentales et physiques de ces explorations subaquatiques. En 2015, en Albanie, le plongeur polonais Krzysztof Starnawski a atteint la fabuleuse profondeur de –278 m sans que cela impressionne  le cercle restreint des initiés. Il n’y a pas si longtemps, en 2004, Dave Shaw plongeait en Afrique du Sud à Boesmansgat à moins 271 m. Il était dit à l’époque que les limites humaines des plongées profondes étaient atteintes !

Aujourd’hui j’entrevois les –300 m et le fond « humain » de la Fontaine de Vaucluse…

Nous donnons souvent comme exemple que les spéléologues sont les derniers explorateurs véritables de notre planète ! Mais ne serait-ce pas actuellement les spéléonautes qui repoussent les limites de l’imaginable aquatique ?

Serge Caillault

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Spéléo magazine 94

Que de chemin parcouru entre le premier –1000 mondial avec le gouffre Berger et aujourd’hui, soixante ans plus tard avec plus d’une centaine de gouffres qui dépasse cette barrière symbolique rêvée par tant de spéléologues. Longtemps la France avait cette primeur de records du monde avec deux cavités qui dépassaient les 1 600 m de profondeur, situées en Haute-Savoie avec le gouffre Jean Bernard (–1 602 m) et le réseau Mirolda (–1 733 m) même si pour ce dernier la côte de profondeur a été longtemps mise en doute. Ces gouffres principalement verticaux sont maintenant répartis géographiquement sur (sous !) tous les continents de la planète. Que de chemin parcouru ! Récemment, un premier –2 000 a été exploré dans le Caucase occidental, sur le massif Arabika en Abkasie, à la fois par les Ukrainiens, les Russes et les Français jusqu’à la profondeur Extraordinaire de –2 197 m. D’autres ­suivront certainement, dans le même massif. Une seconde cavité s’enfonce jusqu’à moins 1 830 m : le gouffre Sarma.

Mais toutes ces grottes ne rivalisent pas avec autant d’engouement et de désir de visiter et connaître le gouffre Berger. De descendre le fameux puits Aldo de 40 m, vertigineux à souhait qui débouche ensuite sur de l’inattendu. De voir cette fabuleuse salle des 13 à –500 m, but de bien des groupes sevrés par tant de splendeurs. De frémir dans la cascade finale de l’Ouragan. Là où pendu, sur notre spit de fractionnement, on tutoie avec les –1 000 ! De sentir un dernier volume, immense, où se côtoient pénombre, embruns, vacarme et vestiges des toutes premières explorations avant une dernière hésitation pour franchir dans l’eau glacée le Pseudo Siphon qui ouvre la porte sur le terminus siphonnant des –1 122 m. Aujourd’hui encore, date anniversaire du premier –1 000 mondial, les explorations se poursuivent et réservent encore d’innombrables surprises à qui sait sortir du chemin habituel… Je ne peux conclure sans parler de sa source : les Cuves de Sassenage qui rivalise également de beauté tout le long de son parcours souterrain. Bon été…

Serge Caillault

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Spéléo magazine 93

Ces derniers temps, je suis confronté, plus particulièrement, à la notion de protection du monde souterrain. Mais qu’est-ce ? En Chine, les phénomènes cristallins souterrains sont sources de revenus importants pour les localités implantées dans les territoires karstiques. Une véritable industrie d’extraction des stalagmites et autres karstifications est en place. Certes, actuellement, la politique des responsables locaux change. Ils s’aperçoivent qu’une source plus durable de revenu reste l’aménagement touristique souterrain. Pour cela il faut encore avoir la volonté de préserver le patrimoine en place.

En France, il n’existe aucune législation spécifique pour protéger l’intégrité des grottes, ce qu’elles renferment, de même que pour les paysages souterrains des dégradations ou des pillages, sauf pour les chauves-souris et les sites archéologiques.

Toutefois il n’est pas interdit de porter plainte (cf grotte de Clamouse, Hérault) !

Défendre le patrimoine souterrain est me semble-t-il une nécessité. L’avenir de la pratique souterraine en dépend. Celle à laquelle nous sommes émotionnellement attachés et qui est à l’origine d’un patrimoine national (mondial !) d’une richesse et d’une diversité incomparables. Elles ne cessent de grandir au fil des découvertes. Et à chaque fois, lors des découvertes, pour les spéléologues, les clubs ou autres groupes, émergent les notions telles qu’observer, garder, conserver, sauver, préserver… Mais vient aussi, telle est la nature humaine, la question de pour qui ? Pour soi ? Pour la communauté ? Pour certains ? Pour quel privilège ? Entre également en jeu des personnages qui usent de leurs influences, de leurs pouvoirs pour protéger quelque chose, loin de toute considération de l’autre. Il vient un temps où l’abus de protection n’attire plus ni confiance, ni respect. Surtout si les actes ne sont pas en adéquation avec la parole !

La protection, oui, dans le sens de préserver ce que Dame nature nous offre de plus exceptionnel pour le plaisir des sensations et des regards de tous…

Serge Caillault

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