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Spéléo magazine 94

Que de chemin parcouru entre le premier –1000 mondial avec le gouffre Berger et aujourd’hui, soixante ans plus tard avec plus d’une centaine de gouffres qui dépasse cette barrière symbolique rêvée par tant de spéléologues. Longtemps la France avait cette primeur de records du monde avec deux cavités qui dépassaient les 1 600 m de profondeur, situées en Haute-Savoie avec le gouffre Jean Bernard (–1 602 m) et le réseau Mirolda (–1 733 m) même si pour ce dernier la côte de profondeur a été longtemps mise en doute. Ces gouffres principalement verticaux sont maintenant répartis géographiquement sur (sous !) tous les continents de la planète. Que de chemin parcouru ! Récemment, un premier –2 000 a été exploré dans le Caucase occidental, sur le massif Arabika en Abkasie, à la fois par les Ukrainiens, les Russes et les Français jusqu’à la profondeur Extraordinaire de –2 197 m. D’autres ­suivront certainement, dans le même massif. Une seconde cavité s’enfonce jusqu’à moins 1 830 m : le gouffre Sarma.

Mais toutes ces grottes ne rivalisent pas avec autant d’engouement et de désir de visiter et connaître le gouffre Berger. De descendre le fameux puits Aldo de 40 m, vertigineux à souhait qui débouche ensuite sur de l’inattendu. De voir cette fabuleuse salle des 13 à –500 m, but de bien des groupes sevrés par tant de splendeurs. De frémir dans la cascade finale de l’Ouragan. Là où pendu, sur notre spit de fractionnement, on tutoie avec les –1 000 ! De sentir un dernier volume, immense, où se côtoient pénombre, embruns, vacarme et vestiges des toutes premières explorations avant une dernière hésitation pour franchir dans l’eau glacée le Pseudo Siphon qui ouvre la porte sur le terminus siphonnant des –1 122 m. Aujourd’hui encore, date anniversaire du premier –1 000 mondial, les explorations se poursuivent et réservent encore d’innombrables surprises à qui sait sortir du chemin habituel… Je ne peux conclure sans parler de sa source : les Cuves de Sassenage qui rivalise également de beauté tout le long de son parcours souterrain. Bon été…

Serge Caillault

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Spéléo magazine 91

J’apprends que le thème principal des Rencontres d’Octobre (cf. page 5) est consacré à la présence du CO2 dans le milieu souterrain. Je ne peux pas m’empêcher de me souvenir d’une exploration des plus éprouvantes pour moi, dans les Salles Rouges de l’aven d’Orgnac (cf Spéléo Mag n° 90). C’était l’année dernière…
J’arrive au petit matin, de Grenoble. Personne sur le lieu de rendez-vous. L’ambiance est automnale, froide et humide. Soudain, j’aperçois courir deux spéléos. Ils disparaissent Je m’approche. C’est Stéphane et Raphaël. La pompe qui désamorce le siphon et ouvre l’accès aux Salles Rouges est en panne. Redémarrage de celle-ci. Ouf ! La tension baisse. Ils vont pouvoir me briefer. Le taux de CO2 présent s’élève à 5,5 %. Cela demande une pratique particulière : ne surtout jamais s’affoler quand le manque d’oxygène se fait sentir. Facile à dire ! Raphaël m’accompagnera tout le long de l’exploration. Il sera mon ange gardien. Nous nous équipons d’une salopette néoprène. L’ascenseur nous mène directement à –100 m. Le ronronnement des pompes se fait entendre. Nous progressons lentement, et nous voilà devant le siphon désamorcé. Nous échangeons avec les spéléos en vigilance devant les pompes. Nous arrivons dans la salle du Siphon. Nous dégoulinons littéralement de boue liquide. J’ai le souffle court mais pas de gène particulière. Raphaël doit organiser les tuyaux d’évacuation dans le siphon. Je reste seul. Je commence les photos. Je suis venu pour cela. C’est ma contribution à l’expédition. J’installe mes flashs. Clic clac. Je déplace mes éclairages. Clic clac. Soudain, je ne respire plus. Surtout ne pas paniquer. Se remémorer les consignes. Je m’effondre sur le banc. Je cherche désespérément de l’air. Je me plie en deux. Réfléchir. Envie d’arracher mes vêtements, être torse nu, respirer, respirer… Sortir de ce piège à rat. J’ai toujours le souffle court. L’angoisse m’envahit. Rester calme, me maîtriser. Chercher le peu d’oxygène présent dans ces lieux. Poursuivre ma tâche. De longues minutes s’écoulent. Je reprends peu à peu mes esprits. J’ai dompté l’angoisse qui m’envahissait à la limite de la perte de contrôle. Ressenti, si près une forme de psychose m’envelopper. De nouveau lucide, je comprends mon état. Je me suis déplacé pour installer mes éclairages comme dans les massifs alpins ? Erreur ! Dans ces lieux, l’éloge de la lenteur est une véritable qualité. Raphaël revient. J’explique brièvement ce que je viens de vivre. Il ne me lâchera plus. Avancer de 10 m, se poser 10 minutes. Se concentrer. Une étroiture ascendante. La franchir le plus sereinement possible. S’écrouler après. Ne pas perdre son souffle. Le reprendre. Encore 5 m à monter. Pause. Enfin, nous sommes à la base de la cheminée du Parapluie (E 94 m). Je ferai la photo assis dans la boue, le pied photo entre les jambes, le souffle court, épuisé… à admirer Raphaël installer mes éclairages. TPST : 5 heures éprouvantes…

Serge Caillault

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Spéléo Magazine n°69

Généralement, lors des interviews ou des échanges que je peux avoir avec des personnes complètement étrangères au milieu de la spéléologie, j’ai ces fameuses questions : mais qui êtes-vous, spéléologues? Que cherchez-vous vraiment, làbas, sous terre, dans le noir et l’humidité?

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