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Spéléo Magazine 78

Lors d’une récente conversation, la notion de « perception de la caverne » m’interpelle. Cette notion m’ouvre les portes à de ­multiples cogitations et réflexions ! Quelle est, à ce jour, ma perception de la grotte, de cet univers dans lequel j’officie avec joie et délectation…

La notion même de perception ne peut se comprendre qu’à partir de nous-même, de nos besoins, de nos valeurs. « Je vois le monde comme je suis », disait Paul Éluard, « et je ne le vois pas comme il est ! » Bref, le monde perçu est le reflet de nous-mêmes. Il agite nos joies et nos angoisses, ­rassemble nos préjugés. Il n’est ­certainement pas le monde objectif de la science !

À un niveau purement élémentaire et pour paraphraser Henri Bergson (philosophe) « c’est bien la grotte qui attire le ­spéléologue ! » Et le spéléologue y laisse des traces… Je pense aux fresques laissées par nos ­ancêtres préhistoriques à la grotte Chauvet. De véritables œuvres, inestimables qui ­méritent dès à présent et sans hésitation le label de patrimoine mondial de ­l’humanité. Je pense également, et sans commune ­mesure bien évidemment, aux signatures laissées par nos pionniers spéléologues : Martel, De Joly, Casteret… qui, quand nous les trouvons au détour d’un recoin, ­provoquent en nous des effluves de ­bonheur. Je réfléchis aux griffes, apposées sur les parois, de nos contemporains qui me laissent, en les observants, un arrière-goût amer. Pourquoi s’octroient-ils le droit de souiller notre environnement et en même temps est-ce une question d’époque, de temps ? Dans cent ans, ces graffitis n’auront-ils pas autant de valeur sentimentale que ceux de nos aïeuls ? Je ­revois aussi les peintures de Jean Truel ­inscrites (à jamais) sur les flancs de la ­traversée de Bramabiau, aux confins des ­Cévennes, où le sentiment d’incompréhension, voir même de profanation me ­submerge, m’autorisant toute forme de sentence à l’encontre de cet être qui a osé. Telle est ma perception ; sensible, naturelle et spontanée, vécue au contact des choses…

Bonnes explorations…

Serge Caillault

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Spéléo Magazine 76

Voici l’hiver… Si nous échangions sur les glacières souterraines pour ensuite mieux les découvrir et les appréhender ? C’est en effet l’occasion d’aborder un univers paradoxal fait de solidité et de mouvement. Univers doublement paradoxale, devrais-je dire, car ce n’est pas au cœur de l’hiver que les glacières sont accessibles à l’exploration. C’est la fin de l’automne qui les voit s’ouvrir pour une période très courte. Ce n’est également qu’une fois le temps des grands froids terminés, à l’aube du ­printemps, que la cavité se dévoile, habillée de ses plus beaux apparats faits de décors translucides aux mille éclats, construit patiemment dans le silence hivernal. Au fil du temps la grotte se transforme, laissant place, à la surprise du spéléologue, à un décorum resplendissant où tout n’est qu’équilibre, à la fois figé et instable, solide et liquide, translucide et coloré !
Il est un fait que depuis quelques décennies, nos glaciers nocturnes s’amenuisent peu à peu. La glace va-t-elle disparaître de nos latitudes ? Encore une question paradoxale lorsque l’on s’intéresse aux deux cavernes présentées dans les pages de ce numéro. L’une, le Chourum Clot dans le massif du Dévoluy, qui ­thésaurise son apport neigeux, nous empêchant de nous insinuer jusqu’à son tréfond, sauf à de rares occasions. Pourtant au fond, tout là-bas, existe un courant d’air prometteur…
L’autre, le gouffre du Scarasson dans les Alpes-Maritimes (cf. Spéléo mag 64 et 68) étudié depuis plus de quatre ans, qui perd inexorablement (à tout jamais ?) son glacier. Néanmoins comme dans un ultime sursaut et pour éviter tout oubli, le gouffre offre au spectateur des bulles uniques et esthétiques qui interrogent les scientifiques. Dernier sursaut avant de laisser la place à un univers minéral immuable ! Dérangée uniquement par quelques curieux méditants sur le passé scintillant de la grotte. Équilibre, tout n’est équilibre. À nous d’essayer de les respecter.
En ce début d’année 2012, l’ensemble de l’équipe de votre revue vous souhaite une excellente année d’exploration.

Serge Caillault

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