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Spéléo Magazine 103

Nous vivons actuellement une “belle” sécheresse (historique ?) qui nous ouvre les portes de conduits jusqu’alors rarement accessibles pour le spéléologue non ­plongeur, et qui permet également de belles perspectives pour les plongeurs souterrains. L’exemple typique situé dans le massif du Vercors est la grotte de Bournillon. Les réseaux terminaux, continuellement noyés, se sont asséchés pendant de longues périodes (au-delà de trois semaines), ces deux dernières ­années, offrant l’opportunité de réaliser des plongées de plus en plus profondes et engagées en fond de réseau. Précédemment ces galeries n’étaient accessibles que quelques jours après des années sans possibilité de les revisiter. Une quantité d’autres réseaux à travers la France, mais pas seulement, sont dans le même cas pour notre plus grand bonheur !

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Spéléo magazine 94

Que de chemin parcouru entre le premier –1000 mondial avec le gouffre Berger et aujourd’hui, soixante ans plus tard avec plus d’une centaine de gouffres qui dépasse cette barrière symbolique rêvée par tant de spéléologues. Longtemps la France avait cette primeur de records du monde avec deux cavités qui dépassaient les 1 600 m de profondeur, situées en Haute-Savoie avec le gouffre Jean Bernard (–1 602 m) et le réseau Mirolda (–1 733 m) même si pour ce dernier la côte de profondeur a été longtemps mise en doute. Ces gouffres principalement verticaux sont maintenant répartis géographiquement sur (sous !) tous les continents de la planète. Que de chemin parcouru ! Récemment, un premier –2 000 a été exploré dans le Caucase occidental, sur le massif Arabika en Abkasie, à la fois par les Ukrainiens, les Russes et les Français jusqu’à la profondeur Extraordinaire de –2 197 m. D’autres ­suivront certainement, dans le même massif. Une seconde cavité s’enfonce jusqu’à moins 1 830 m : le gouffre Sarma.

Mais toutes ces grottes ne rivalisent pas avec autant d’engouement et de désir de visiter et connaître le gouffre Berger. De descendre le fameux puits Aldo de 40 m, vertigineux à souhait qui débouche ensuite sur de l’inattendu. De voir cette fabuleuse salle des 13 à –500 m, but de bien des groupes sevrés par tant de splendeurs. De frémir dans la cascade finale de l’Ouragan. Là où pendu, sur notre spit de fractionnement, on tutoie avec les –1 000 ! De sentir un dernier volume, immense, où se côtoient pénombre, embruns, vacarme et vestiges des toutes premières explorations avant une dernière hésitation pour franchir dans l’eau glacée le Pseudo Siphon qui ouvre la porte sur le terminus siphonnant des –1 122 m. Aujourd’hui encore, date anniversaire du premier –1 000 mondial, les explorations se poursuivent et réservent encore d’innombrables surprises à qui sait sortir du chemin habituel… Je ne peux conclure sans parler de sa source : les Cuves de Sassenage qui rivalise également de beauté tout le long de son parcours souterrain. Bon été…

Serge Caillault

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Spéléo Magazine 89

Si je cache à la société que j’ai trouvé une cavité exceptionnelle (préhistorique par exemple, pur hasard !), j’agirais de façon malhonnête au regard de la loi. Mais si je décide de diffuser cette découverte, elle risque de m’apporter une somme d’ennuis incalculable au regard des expériences du passé ! Je me retrouve alors divisé entre des principes ou « valeurs » auxquels j’accorde de l’importance. Bonjour le dilemme. Devant une telle situation, la notion d’enjeux éthiques apparaît. Dans nos débats spéléologiques souvent houleux où la surdité l’emporte à la compréhension, il est souvent question au final de dilemmes éthiques ou moraux, ou encore de « conflits de valeurs ». Il s’agit généralement de découvertes fortuites (même si prospections et désobstructions sur nos territoires emplois  la quasi-totalité de notre temps d’explorateurs) où les valeurs et les principes entrent en opposition et rendent les décisions difficiles.

L’éthique conduit à se demander « quels sont les valeurs et principes les plus importants pour la spéléologie et/ou le spéléologue ? Pourquoi ? ». Répondre à ces questions permet de faire face aux dilemmes éthiques que l’on rencontre, et éventuellement de les solutionner. L’éthique admet la discussion, l’argumentation, voire les paradoxes, au contraire de la morale qui ignore les nuances. L’éthique permet de sauvegarder le groupe d’amis qui se retrouve chaque week-end pour accomplir de belles choses…

Une chose qui a de la valeur est supérieure à d’autres sous certains aspects. Elle est désirable. Elle a de l’importance. Dire qu’une chose a de la valeur suppose donc de l’évaluer et de la comparer avec d’autres. Bien entendu, il ne s’agit pas de spéculer sur son prix car la principale difficulté reste souvent de déterminer, entre plusieurs valeurs importantes, laquelle ou lesquelles reflète le mieux la société (club, fédération) dans laquelle on souhaite vivre ou agir.

Le monde souterrain reste un territoire à apprivoiser, pour en apprécier réellement tout son caractère…

Serge Caillault

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Spéléo Magazine 87

Nous avons été gâtés par la météo ces derniers mois ! Que d’eau, que d’eau… En France toutefois, car dans les pays nordiques, on n’avait jamais vu jusqu’alors des incendies de forêt ! Est-ce dû au réchauffement, au changement ou au dérèglement climatique ? Que sais-je ? Il va falloir s’adapter pour explorer nos cavités actives et trouver la bonne fenêtre météo. Car en parlant météo, cet été, dans nos contrées alpines, elle n’a jamais été très fiable. À croire que tous les ingénieurs climatiques étaient en vacances (ils en ont le droit). Ont-ils été remplacés par des stagiaires qui effectuaient leurs premières prévisions ! Dégradations du service public au bénéfice de sites payants ? Allez savoir… Quoi qu’il arrive, après plusieurs excursions souterraines annulées pour cause d’intempéries et en cherchant comment passer à travers les gouttes, j’ai regardé du côté des alpinistes. J’avais tendance à dire que dans la pratique spéléo l’heure était un facteur secondaire. L’envie me prend et me voilà en direction d’une cavité de jour comme de nuit, du matin comme de l’après-midi. Cela reste possible pour les grottes dites fossiles, mais voilà pour les cavernes sensibles aux crues, il va falloir s’adapter encore plus. Pourquoi ne pas débuter l’exploration à quatre heures du matin pour échapper aux orages du soir ? Être chez soi à observer les éclairs sans pouvoir cependant, regarder sa moisson photographique, au risque de dégrader son ordinateur… Quelle vie ! Restons optimistes avec toute cette eau, les cavités ont dû se creuser…

Au fait, pendant que j’y pense : à quoi sert d’équiper un puits hors crue quand, quoi qu’il arrive il ne se franchit plus dès qu’approche une averse ! ?

Et des chemins de pluie pour unique bonsoir,

– Avec le vent d’ouest écoutez-le vouloir,

– Le plat pays qui est le mien…

C’est sur ces quelques vers de Jacques Brel que nous vous offrons dans les pages qui suivent un dossier spécial « spéléo chez les Belges », nos voisins de toujours, nos compagnons de brume, nos frères d’explorations…

Serge Caillault

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Spéléo Magazine 85

Depuis des années les stations de ski sont engagées dans une fuite en avant : elles construisent toujours plus pour assurer leur fréquentation. L’hiver se termine, la saison de ski également. Les lapiaz se libèrent de leur gangue de neige. Pour les entreprises vivant du sport d’hiver, le repos est de courte durée. C’est le moment de reprendre de nouvelles activités : agrandir le domaine skiable… Au détriment bien entendu du paysage naturel, avec pour conséquence des dégâts irréversibles sur le karst.Combien de gouffres et glacières ont été irrémédiablement bouchés en toute impunité et donc perdus. Des exemples foisonnent sur les massifs de la Pierre-Saint-Martin, du Vercors, des Bauges, du Dévoluy, etc.

La commission du développement durable du Sénat a récemment rendu son rapport : « Patrimoine naturel de la montagne : concilier protection et développement ». Il tient compte d’une évolution des mentalités et des nouvelles contraintes climatiques et économiques. Il se présente (malheureusement) sous la forme d’une énumération de propositions qui ne permet pas d’élaborer des orientations globales pour une politique de la montagne (du karst). Il précise néanmoins pour l’eau en montagne qu’au-delà d’une abondance apparente, il existe un risque réel de raréfaction. Des outils existent comme le schéma d’aménagement et de gestion de l’eau (SAGE) pour assurer la cohérence des usages de l’eau, notamment au regard de la neige de culture (Proposition 37). S’assurer que les études d’impacts prennent en compte tous les problèmes liés à l’environnement notamment au regard des paysages (Proposition 38).

Tout cela pour dire notre conviction que ce patrimoine karstique est bien sûr la propriété des populations qui y vivent et y travaillent mais peut aussi être considéré, par sa richesse exceptionnelle, comme un bien appartenant à tout un chacun. En ces temps de reprise des travaux, ce rapport ne changera pas la face des choses à court terme. Il

montre cependant que nos idées concernant la richesse de notre patrimoine souterrain se diffusent dans l’esprit des élus. C’est un encouragement à continuer, sans cesse, notre travail… de prise en compte de notre activité sportive et scientifique…

Serge Caillault

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